Iconographie, photographie et histoire des animaux domestiques et de leur terroir
En cette fin de mois de septembre, il faut à Serge Niel une poignée de sel pour apprivoiser à nouveau ses vaches, en estive depuis plusieurs mois. L'Automne s'est installé sur le plateau de l'Aubrac, les journées raccourcissent, la température baisse et les bêtes goûtent leurs dernières semaines de liberté sur les hauts pâturages. Très peu de sommets pointent à l'horizon, mais nous sommes bien en montagne, à des altitudes comprises entre 1 000 et 1 400 mètres.
Territoire perdu. Entre Aveyron, Lozère et Cantal, à l'extrémité méridionale du Massif central, la nature se fait sauvage. Les hivers sont longs et rudes. De longs mois durant, parfois d'octobre à mai, une épaisse couche de neige recouvre les prés, les rafales de vent - la tourmente comme on l'appelle dans le Massif central - forment
d'impressionnantes congères, cantonnant les vaches à l'étable. Sur ce plateau granitique vieux de dix millions d'années au climat typiquement montagnard, il est impossible de retourner la terre pour cultiver des céréales, si bien que certains jugèrent hâtivement le territoire perdu, incapable d'intégrer le train de la modernité agricole.
"L'herbe et une vache : les deux grandes richesses de l'Aubrac"
C'était bien entendu sans compter sur l'obstination des Aveyronnais et de leurs voisins Lozériens et Cantaliens, résolus à faire vivre des traditions séculaires, parfaitement adaptées aux potentialités du milieu. Si le plateau ne peut s'engager dans une agriculture dont l'objectif est de produire toujours plus, qu'à cela ne tienne.
Le territoire possède deux grandes richesses : son herbe, et une vache de grande rusticité capable d'endurer les grands froids comme de valoriser les fourrages les plus grossiers. A partir de ces deux éléments - auxquels on pourrait ajouter la fabrication du fameux couteau Laguiole - l'Aubrac va ainsi se dessiner un avenir. Le plateau sera une région d'élevage ultra extensif fondé sur une utilisation rationnelle et raisonnée de la ressource fourragère, une région où l'on produira une viande de grande qualité et des fromages de caractère.
La mixité oubliée. Seulement entre temps, les années 1960 et 1970 ont vu une multiplication des croisements de la vache locale avec des Charolaises et Limousines pour accroître son développement musculaire. En 1978, seuls 5 000 veaux... >> (suite)