Terroir de Camargue 1/4
Dans le delta du Rhône, sur la plus vaste zone humide de France, on élève des taureaux destinés à la traditionnelle course camarguaise. Ces bovins d'une grande rusticité valorisent et participent à la conservation d'une biodiversité végétale unique.
En fin de journée, derrière les roselières et les haies de tamaris que fait danser le mistral, des taches sombres apparaissent au loin. Le long de la route menant aux Saintes-Maries-de-la-Mer, les troupeaux de taureaux s'approchent prudemment de l'asphalte. Un mouvement un peu trop brusque et ils détalent à grande vitesse, se perdant dans l'horizon sans fin des pâturages camarguais.
Ici, sur cette vaste étendue marécageuse que forme le delta du Rhône, l'élevage est plus qu'extensif, bovins et équins vivent en liberté, presque à l'état sauvage. Le milieu est rude, le sol gorgé de sel, la végétation pauvre. Les bêtes doivent être résistantes, d'une rusticité exemplaire pour vivre dans un tel environnement.
Car dans ce pays qui constitue la plus vaste zone humide de France, les taureaux raço di biou et les chevaux sont relégués sur les terres basses, au cœur du marais, tandis que les terres hautes plus productives sont dédiées à la culture, principalement du riz.
Eloge de la méchanceté. Cependant, en ce mois de juin, le paysage camarguais a pris des allures plus désertiques que marécageuses. L'eau se fait rare, les fossés sont vides, le sol est craquelé, asséché par le soleil de Méditerranée et les rafales du mistral. A quelques hectomètres de l'étang de Vaccarès, Jean-Pierre Clauzel s'inquiète d'ailleurs. S'il ne pleut pas dans les prochains jours, ses taureaux vont
manquer d'eau, «
il faudra songer à pomper dans le Rhône», avance t-il en grimpant sur une montille, ces petites dunes fluviales présentes un peu partout en Camargue.
Mais pour l'heure, il doit rassembler son troupeau de taureaux réfugié dans un sous-bois. A la faveur d'un rabattage, le voilà de retour dans la pâture. Au milieu des enganes et des scirpes, les taureaux foncent à toute allure, changent de direction à la vitesse de l'éclair. «
Notre but est d'obtenir des bêtes qui ont du peps et de l'agressivité. Plus que la beauté ou la conformation, c'est le caractère qui nous intéresse», explique Jean-Pierre Clauzel en désignant une jeune vache qui pourrait prochainement donner naissance à un excellent cocardier.
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