Iconographie, photographie et histoire des animaux domestiques et de leur terroir
«Celle-là par exemple, si tu la mets dans une arène, elle se tape la tête contre les murs, elle fait le spectacle. C'est exactement ce que nous recherchons, des animaux capables de prendre des coups puis de repartir illico au cœur de l'arène, un peu comme des boxeurs.»
Les jeux de l'arène. En Camargue, l'objectif premier de l'élevage des bovins n'est pas la production de viande (même s'il existe une AOC taureau de Camargue), mais bien celle d'animaux de spectacle, ou plutôt de sport.
"La course à la cocarde"
Le développement des troupeaux de taureaux est intimement lié à la mode des jeux taurins apparue au milieu du XIXe siècle et notamment à la course camarguaise. Dans ce spectacle taurin sans mise à mort, un taureau affronte dans une arène surchauffée des raseteurs tout de blanc vêtus et venus des villes et villages alentours. Pour le raseteur, l'objectif est d'attraper une cocarde, un gland ou une ficelle fixée au cornage du taureau, en évitant bien entendu de se faire embrocher par une bête tout juste sortie de ses pâturages camarguais. Mais attention, la star de la course, ce n'est jamais le raseteur, aussi courageux soit-il, mais bien le taureau qui doit fièrement représenter sa manade.
La sélection du cocardier. A quelques kilomètres d'Arles, au Mas des Bernacles, les frères Jacques et Pascal Mailhan ont d'ailleurs du pain sur la planche. Leur manade est réputée comme l'une des meilleures de la région et cet après-midi, ils doivent présenter un futur cocardier à Montfrin, entre Tarascon et Remoulins. Tôt le matin, c'est le rassemblement général. Quelques gardians volontaires sont venus prêter main forte aux deux manadiers pour rassembler les taureaux perdus dans les sansouires, ces prés où le sel affleure, ne laissant que quelques salicornes pousser. Il faut préparer les chevaux de race Camargue, les harnacher à la mode sarrasine, avant de partir chercher les taureaux cocardiers dans cette pâture sans fin où les tamaris poussent comme du chiendent. (...) >>
La Camargue autrefois
Il y a un siècle et demi, avant que ne soient entrepris les premiers travaux d'endiguement du Rhône, la Camargue était soumise aux caprices du fleuve, aux tempêtes marines et à l'extrême salure des sols. Toute activité agricole y était dès lors presque impossible, et seuls les moutons, des Mérinos d'Arles élevés pour la laine, vivaient sur les meilleurs pâturages, c'est-à-dire sur les hautes terres à l'abri des débordements du Rhône.
Grâce à la construction de canaux et de digues (les montilles comme on les appelle ici), les Camarguais vont pouvoir mettre en culture certaines terres, et notamment planter du riz - on recense aujourd'hui 18 000 hectares de rizière en Camargue.
Dans le même temps, pendant que les moutons quittaient le delta pour se déplacer à l'est du Rhône, dans la plaine de la Crau, l'élevage des bovins va se développer, porté par la mode des courses taurines.