Pays de la Loire - Les bovins
"Les darioleurs", reconstitution ethnographique. Organisation de la collecte, AREXCPO en Vendée. En partant de la gauche : boeufs Maraîchins du Puy du Fou, bouefs Maraîchins de Bernard Arthus, boeufs Maraîchins de Xavier Chauvière, boeufs nantais de Laurent Legal.
Si l’on remonte loin en arrière, les races que nous venons de citer étaient non standardisées, peu sélectionnées, ayant subi des croisements ponctuels avec des animaux d’autres origines, donc hétérogènes. Interrogeons-nous sur ce que pouvait être la situation au début du XIXe siècle, par exemple. On distinguait plus de races qu’aujourd’hui. Les races Maraîchine (façade atlantique en Sud-Loire), Nantaise plus au nord, Choletaise dans le Maine-et-Loire, étaient en réalité des variétés de la Vendéenne, auxquelles s’ajoutait celle qui devint la plus importante, la Parthenaise, dans les Deux-Sèvres surtout. La Bretonne occupait également le nord de la Loire-Atlantique. La Sarthe (avec la Normande) et la Mayenne étaient peuplées par ce que l’on a appelé la race Mancelle, plus hétérogène que les autres parce que se trouvant au «carrefour» des races Normande, Bretonne et Vendéenne, et ayant subi de surcroît des croisements avec des animaux suisses. Un événement très important a concerné le bétail du nord et de l’est de la région Pays de la Loire au XIXe siècle : des croisements d’une grande ampleur ont été réalisés avec la race anglaise Shorthorn Improved ou Durham. Ces croisements, encouragés par les pouvoirs publics, ont été pratiqués de 1830 à 1860 dans toute la France septentrionale, mais n’ont laissé de traces substantielles que dans l’Ouest.
Ainsi, la Maine-Anjou est née du croisement de la Mancelle avec le Durham. Toutes les races propres à la région Pays de la Loire étaient polyvalentes, et toutes étaient traites, ce qui n'est plus le cas aujourd'hui. La race Vendéenne, devenue Parthenaise après avoir officiellement englobé les variétés Maraîchine, Choletaise et Nantaise, a fait la réputation du beurre des Charentes mais s'est orientée depuis une quarantaine d'années vers la seule production de viande.
Ci dessous : Vache bretonne Pie-Noire, photographie réalisée chezJacques Cochy, Donges, Loire-Atlantique.
La Maine-Anjou était encore présentée dans les années soixante-dix comme «mixte à prédominance bouchère», même si son aptitude à offrir une viande de qualité gastronomique est soulignée depuis longtemps.
En ce qui concerne la Nantaise, on insistait traditionnellement sur la qualité de ses boeufs de travail, comme le rappelle un tableau d’Hippolyte Berteaux grandeur nature, La Bretagne travailleuse, exposé dans le grand escalier du musée des Beaux-Arts de Nantes. La race Vendéenne a commencé de régresser, en région Pays de la Loire, à la fin du XIXe siècle, devant la Charolaise, la Maine-Anjou et la Normande. Il faut signaler que dans les Marais de Monts, tout récemment, le qualificatif «Maraîchin» désignait des animaux de race Normande ou des croisés Normands : le terme était resté mais la population à laquelle il s’appliquait avait changé.
Quotas laitiers et développement du cheptel allaitant
C’est surtout dans la seconde moitié du XXe siècle que le mouvement s’est précipité, avec d’abord la recherche de performances laitières accrues, ce qui a fini par profiter à la seule race Frisonne, devenue Prim’Holstein. La Normande s’est faite discrète : elle demeure une grande race nationale mais la fonte de ses effectifs est, selon nous, d’autant plus inadmissible qu’elle ne s’explique certainement pas par des résultats économiques insuffisants ; il y a probablement faute du développement agricole. À la suite de l’instauration des quotas laitiers, en 1983, le cheptel allaitant s’est beaucoup développé, mais pas au profit de la Maine-Anjou qui a vu, elle aussi, ses effectifs fondre, bien qu’ayant abandonné la traite. La Charolaise, dont nous avons rappelé qu’elle est présente dans la région depuis la fin du XIXe siècle, en a d’abord profité, suivie par d’autres races à viande. La situation des races bovines autochtones, en région Pays de la Loire, peut être rapidement résumée. Alors que la race Parthenaise, dont les effectifs globaux s’étaient effondrés (plus d’un million de têtes à la fin du XIXe siècle, quelques milliers dans la décennie 1970), orientait sa sélection vers des animaux à excellent développement musculaire, voire «hyper-musclés» (type «culard»), ce qui lui a plutôt bien réussi, les éleveurs de Maraîchines et de Nantaises reprirent leur indépendance, se fixant pour objectif de conserver l’ancien type et s’efforçant de le valoriser dans le contexte d’un intérêt patrimonial pour les races locales.
Les effectifs demeurent faibles (600 vaches pour la Maraîchine, 450 pour la Nantaise) mais ils augmentent de façon sensible, et les deux «races» suscitent l'intérêt de jeunes éleveurs souhaitant inscrire leur action dans un contexte alternatif.
La Bretonne Pie-Noire est peu présente dans la région, mais il y existe d’excellents troupeaux. Globalement, elle est repartie sur une pente ascendante, avec 1 200 vaches au moins, et peut afficher, chez certains éleveurs, des résultats économiques attrayants. La Maine-Anjou a brillamment réussi son «entrée en AOC». Elle l’a payée d’un changement de nom puisqu’elle est devenue Rouge des Prés, le qualificatif Maine-Anjou étant dorénavant réservé à l’AOC. Souhaitons-lui de retrouver, grâce à cette reconnaissance officielle des qualités de la race et des efforts des éleveurs, une place de grande race régionale, en faisant redécouvrir au consommateur la véritable qualité de la viande dans la gastronomie française. Une population qualifiée de Saosnoise, qui était englobée dans l’ensemble Maine-Anjou, a repris récemment, elle aussi, son indépendance. Ses éleveurs la présentent volontiers comme restée proche de ce qu’ils supposent avoir été la race Mancelle, donc peu marquée par le Durham. Les bovins Saosnois ont un format (taille et poids) important, suscitent l’intérêt de leurs éleveurs et de certains bouchers, et comptent plus de 1 500vaches. Dans la région, on a également gardé le souvenir de la Bleue de Bazougers, autre variété de la Maine-Anjou, mais sous robe pie-bleu ou pie-noir, qui a pratiquement disparu ; des tentatives de préservation de quelques sujets sont toutefois en cours. >>
«La famille Nantaise». De gauche à droite : veau, vache et taureau, respectivement Sabo, Nougatine et Octobre, photographie réalisée chez Jean Warin, Plessé, Loire-Atlantique. Avec le concours de Laurent Chalet.
Photographie extraite de l’exposition
«Identités».