Iconographie, photographie et histoire des animaux domestiques et de leur terroir
Rustique dans l'âme, l'Armoricaine est aussi très belle avec sa couleur brune tirant sur le roux. "Iroise" que l'on voit ici se délecter de glands, est la doyenne de l'espèce.
(...) Chez Jean-François et Véronique autour de Guignen, les animaux font partie de la famille et la vieille Iroise est d'une docilité exemplaire. Malheureusement, la conservation de la race est très fragile : avec seulement 120 femelles à ce jour, tout peut retomber à chaque instant. La conservation de ces animaux ne dépend que de la bonne volonté et du dévouement de leurs propriétaires. Comme l'Armoricaine n'est pas primée comme bovin allaitant, les éleveurs ne dégagent quasiment aucun revenu direct de leur travail.
"La Pie noir nous a permis de vivre au pays"
Pour la Bretonne Pie Noire les choses sont différentes : aujourd'hui 300 propriétaires dont 25 éleveurs producteurs transformateurs, font vivre un cheptel de 1 200 femelles. Le syndicat de race n'a pas failli depuis 1886 et l'intérêt des néo-ruraux associés au sauvetage de la race par le plan de sauvegarde de 1976 l'a redynamisé. Installé dans la presqu'île du Rhuys, Christophe Wagner, pousse la bretonne dans ses derniers retranchements en la contraignant à se contenter de la seule herbe. La majorité des éleveurs
travaillent en agrobiologie, sur de belles prairies naturelles sans traitement chimique ni lisier. Sur le flanc nord des terres d'Arrée, Joël et Anne-Marie achèvent 30 ans d'élevage. Joël Kerné est un fervent défenseur de l'environnement et du savoir-vivre breton : «La Bretonne est rustique et bonne laitière, elle respecte l'environnement; elle nous a permis de vivre au pays et de porter plus loin la culture bretonne...» La vente directe de fromage, beurre et fromage blanc caillé appelé «gwell» sur les marchés, dans les magasins bio et la restauration traditionnelle, apporte aux éleveurs des revenus plus que décents. Dans une exploitation laitière classique, il faut plus de 60 vaches pour financer un emploi alors que les éleveurs de Bretonnes créent ce même emploi avec 12 vaches...
La «Rolls du beurre», ainsi pourrait-on qualifier la Froment du Léon. Roland Lécrivain, installé à Combourtillé, (Ille-et-Vilaine) est le pionnier de la réutilisation de cette vache hors du commun dont le lait donne du beurre riche en carotène aux saveurs exceptionnelles. La Froment du Léon n'avait pas complètement disparu des élevages modernes : des amateurs en conservaient quelques spécimens pour améliorer la qualité de leurs produits laitiers.
Selon Christophe Wagner, producteur-transformateur installé à Sarzeau dans le Morbihan, "le lait de Bretonne Pie Noir est idéal pour la fabrication du fromage".
Page suivante >>
TEMOIGNAGE
De la conservation à la relance.
Pierre Quéméré. Directeur de l'enseignement et de la recherche à l'Institut Supérieur de l' Agriculture de Beauvais, (En retraite depuis peu). Initiateur du plan de sauvegarde de la Bretonne Pie Noire en 1976.
En 1976, alors qu'il reste encore quinze mille vaches, Pierre Quéméré qui anticipe l'inévitable disparition annoncée de la race Bretonne Pie Noire, met en place le premier programme de conservation d'une race bovine en péril. Il partage la confiance de l'ancienne génération des éleveurs laitiers et celle des jeunes néo-ruraux. Ensemble, ils vont développer ce programme auquel adhèrent aussitôt 46 éleveurs propriétaires de 311 vaches. Progressivement, leur nombre est monté à 300 et leur cheptel à 1200 têtes, élevées soit dans le système laitier, soit dans un système allaitant.Un second programme, cette fois de relance de la race, a été établi et est en cours d'application. Selon les propos de Pierre Quéméré, si la vingtaine d' éleveurs-producteurs-transformateurs, à la recherche de solution pour une agriculture durable, ont permis la sauvegarde de cette race rustique peu exigeante en apport technique et financier, ce sont les consommateurs, confrontés à un contexte socio-psychologique alarmant et demandeurs de véritables produits du terroir qui vont inéluctablement contribuer à relancer l'élevage de ces petites races.