Iconographie, photographie et histoire des animaux domestiques et de leur terroir
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Attache de queue d'une vache Armoricaine (ci-dessus)
A gauche, les vaches Pie noir de Carole Perherin dans le Sud-Finistère
(...) par le biais des diocèses bretons, débute une politique de croisement avec des taureaux venus d'ailleurs : Poitevin, Durham, Hereford, Normand, Jersiais ... Vers la fin du XIXe siècle, on abandonne ce métissage jugé mal adapté aux techniques agraires locales. Les animaux indigènes restent les mieux adaptés aux sols bretons. Viendront à la même époque, les «Herd-books» (livre officiel des races), qui définissent pour la première fois les standards de race.
Le débat sur les origines de chacune des races bretonnes contemporaines reste ouvert. Néanmoins, on a coutume de dire que la bretonne Pie Noir est le seul animal totalement issu des terres bretonnes. L'Armoricaine est un des rares assemblages du XVIIIe siècle qui a perduré: elle est issue du croisement de la variante pie rouge de la Bretonne et de la race Durham en provenance d'Angleterre. La Froment du Léon est également issue de cette même variété pie rouge, mais à la différence de sa congénère, son sang aurait été mêlé à celui de la race de Guernesey. La Nantaise a des origines à part : elle est le fruit de l'adaptation locale du rameau «Poitevine-Vendéenne», fortement apparenté à ses proches cousines Maraîchine et Parthenaise. Leurs ancêtres communs seraient méditerranéens.
Les effets du plan Marshall. Sorti de la seconde guerre mondiale, le pays décolle, plan Marshall à l'appui ; l'industrie et l'agriculture subissent révolution sur révolution. Nos petites races rustiques sont alors rapidement mises en péril car inadaptées à valoriser les rations hautement énergétiques (maïs, tourteau de soja, concentrés) proposées par une agriculture industrielle productiviste.
Pour les bovins rustiques bretons, économiques et adaptés au milieu, c'est la chronique d'une disparition annoncée. Face à des races très spécialisées dans la production laitière ou bouchère, face à des politiques commerciales agressives vantant les mérites de bovins «prêts à l'emploi», les petites vaches ne pèsent pas lourd dans une agriculture atteinte du violent syndrome de «modernisme» que relaient les organisations professionnelles, les syndicats et les écoles d'agriculture. Avec l'aide de l'insémination artificielle, il suffit d'une quinzaine d'années pour voir décimer la majorité des effectifs des races locales, absorbés par croisement avec des races «modernes». Ainsi, se réduisent des siècles de savoir-faire paysan et de biodiversité.
Dans le même temps, le tracteur envahit les campagnes, privant ainsi les animaux de trait de toute utilité. La Nantaise, entre autres, après avoir fourni en bœufs massifs et puissants les plaines du bassin parisien, ne fait pas le poids face à la Charolaise et à ses rendements en viande. Il faut replacer ce phénomène dans son contexte, une période de fort enrichissement accompagnée du «recyclage» de la main d'œuvre agricole vers l'industrie. Les éleveurs investissent, mécanisent et agrandissent leurs exploitations en modifiant leur rapport à la terre et au travail. Il faudra attendre le premier choc pétrolier pour mesurer les enjeux de ces rapides transformations dont les conséquences font encore débat aujourd'hui. Toujours est-il qu'émerge bientôt une nouvelle génération dont l'intervention sauvera la vache bretonne. Des néo-ruraux font de la petite vache Pie Noire le symbole de leur autarcie. Les autres races vont, elles, frôler la disparition. In extremis, paysans, scientifiques et pouvoirs publics