De l'eau naquit le Perche
En s’appuyant sur le simple bâti du Perche, on devine que sa ressource géologique n’est pas une mais multiple. Qu’ils soient euréliens ou ornais, on observe tour à tour des colombages remplis de torchis, des moellons de silex ou de calcaire tendre, voire aussi plus dur comme en témoignent ceux des manoirs. Les sables marneux et ferrugineux font varier significativement les couleurs du mortier de l’habitat ancien. Les hommes ont sorti ces matériaux du sous-sol à la faveur de l’eau hésitant doucement à choisir son chemin entre la Manche et l’Atlantique, s’attardant longuement à éroder les couches superficielles les plus tendres. L’Huisne, dans laquelle s’abreuve cette magnifique pouliche* en gestation, ainsi que ses multiples affluents qui sillonnent et découpent les vallons sont le témoignage actuel des évolutions géologiques du territoire**.
C’est ainsi que le Perche, par la variété de ses substratums sur lesquels poussent les herbages, contrairement à d’autre régions souvent moins diversifiées au sein d’un même territoire, possède tous les atouts nécessaires au bon développement d’animaux de tous âges : des minéraux pour le squelette, des nutriments pour le lait et la croissance, de grasses prairies alluvionnaires pour l’engraissement et la fortification…
Il ne faut pas moins considérer les déclivités des coteaux qui favorisent le développement et la puissance musculaire des chevaux d’alors et des bœufs d’antan que les plateaux et les plaines qui sécurisent les animaux en gestation ainsi que les nouveau-nés qui cherchent encore leur équilibre. L’omniprésence de l’eau en bordure des massifs forestiers de Bellême, de Saint-Réno ou de Longny permet tour à tour d’y « remiser » les animaux comme les génisses, les bœufs, les poulains et les pouliches sevrés ainsi que les yearlings avant que leurs premières affectations ne les ramènent dans le quotidien plus proche de la ferme.
Il y avait dans le Perche une micro-géographie de l’élevage : de façon optimale, on tirait ici partie de la grande variété des milieux naturels, se répétant avec la même forme à chaque nouveau vallon. On y trouvait aussi une géographie plus étendue à la faveur des mêmes règles de structure sur de plus grands espaces : la vallée de l’Huisne pour l’« embouche », comprenez l’engraissement. Le Perche Gouët, au sud, était quant à lui spécialisé dans la naissance des poulains ; vendus au sevrage, ils y revenaient adultes vers trois ans pour être dressés avant de rejoindre les grandes fermes beauceronnes. À l’automne, les cochons percherons s’en allaient terminer leurs rondeurs dans les massifs forestiers pour la « glandée ». Les moutons, en repli dans les vaines pâtures***, repartaient dès que possible déchaumer et fumer les plaines beauceronnes.
* Photographie réalisée chez M. Merel à Margon « Vanoise ».
** Pour aller plus loin : voir Atlas des paysages du Perche, édité par le Parc naturel régional du Perche.
*** Traditionnellement, la vaine pâture consiste en tous les espaces non clos : chemins, vergers, prairies communales, déchaumage des terres en culture.