Le Perche, Terre d'élevage
Les éleveurs sont des peintres ! Ils composent une œuvre avec de nouvelles couleurs et reviennent aux fondamentaux : ils réinventent sans cesse de nouvelles voies avec un « matériau vivant » qui n’est jamais figé.
Le pays, au sens de terroir, participe à la création d’une race presque autant que ses origines génétiques. Les croisements ont jalonné notre histoire. Les vaches « françaises » se sont enrichies d’influences multiples en provenance d’Angleterre, du nord de l’Afrique, de la Suisse et du nord de l’Europe. Chaque métissage engendre une nécessaire adaptation aux spécificités locales où la morphologie et la physiologie des animaux doivent se conformer aux possibilités du territoire chargé de les nourrir à travers la particularité de ses fourrages. Par exemple, le cochon Craonnais fut une grande race amélioratrice dans la reproduction avant que les Large-White anglais prédominent. De même, ces compagnons immémoriaux que sont les chevaux nous ont accompagnés depuis l’Éthiopie jusqu’à la conquête des Amériques et régulièrement on retourne faire de la « retrampe*» avec les plus beaux étalons arabes…
Cette subtilité propre aux éleveurs, Michel Lepoivre, le propriétaire de ces possibles futurs étalons qui vous font face, l’évoque à travers la mémoire d’un vieil éleveur qui lui promulgua ses conseils : « garder la sagesse des mélanges, faire des apports extérieurs pas trop brutaux et ne surtout pas assembler des extrêmes, aller doucement génération après génération, user sans abuser de la consanguinité et peut-être alors, à l’issue de dizaines d’années de réflexion et d’accouplement, le cheval rêvé arrivera ».
Le terroir du Perche est là ! Riche et généreux à la disposition de ceux qui prennent le temps de le comprendre. Ce qu’il y a de plus à craindre pour l’avenir de l’élevage d’ici, c’est la disparition des éleveurs, perdre ceux qui savent transformer des « élèves » en animaux de service adaptés aux tâches qui leur incombent, pour les remplacer uniquement par des techniciens et des réfrigérateurs remplis d’ADN en paillettes. Les deux sont complémentaires, à la seule condition de garder en tête que les savoir-faire sont aussi des ressources culturelles qui ne peuvent être transmises que par des hommes dans l’exercice direct d’une pratique continue.
* La « retrampe » signifie effectuer un croisement avec des origines prééxistantes au sein d’une race, ce qui permet de remettre en évidence des caractères récessifs.