La race Camargue, appelée localement « Raço di biòu », est sans doute celle qui rappelle le plus l’ancêtre commun de toutes les populations bovines de la planète : Bos primigenius, plus communément appelé auroch. Animal sauvage de grande taille, animal féroce que nous chassions inlassablement à l’orée des forêts avant que l’idée nous vienne, sans doute inspirée d’abord par des animaux plus petits, et poussés par les besoins croissants de notre population en pleine expansion, de capturer les plus « dociles » et de nous faire « éleveurs-cultivateurs ».
Les manadiers actuels ont hérité de ces animaux fins, puissants, rapides et nerveux, nécessairement bien adaptés au climat chaud et à la zone humide de la Camargue, un temps élevés comme n’importe quel autre bétail de subsistance. C’est seulement vers la fin du XIXe siècle, que la tradition de la course camarguaise prend ses appuis et se structure comme un jeu de ferme dans les manades pour devenir ensuite la course à la cocarde dans les arènes, dont le grand championnat se déroule à Arles. La sélection actuelle ne favorise pas la production de viande, ce qui rendrait les animaux bien trop lents, bien que depuis juin 1996, la race Camargue a inauguré la première appellation d’origine contrôlée pour une viande bovine.
Son utilisation en pâturage extensif, comme le préconise la charte de son AOC, favorise la biodiversité de l’écosystème. Ils transhumaient autrefois, accompagnant les immenses troupeaux de moutons vers les Alpilles et les contreforts des Cévennes, ils sont aujourd’hui un appui économique, social, patrimonial et écologique indéniable pour les habitants camarguais.
Jacques Maihan, propriétaire de ce magnifique taureau cocardier qui s’échappe à l’instant du clos de tri où un de ses jeunes congénères vient d’être isolé pour participer le matin même à la course, explique : « Ici, la star c’est le taureau, plus il sera «méchant» et plus l’arène sera bondée. » Les cocardiers seront élevés le plus longtemps possible pour la course, ensuite ils prendront une retraite bien méritée, dans des prairies isolées. Certains auront même le droit à une statue et à un tombeau ! Les raseteurs n’ont qu’a bien se tenir.